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La France dix ans après l'attentat contre "Charlie Hebdo"

Le 7 janvier 2015, des islamistes ont attaqué la rédaction de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, tuant plus d'une douzaine de personnes. Au lendemain de l'attentat, la France a affiché son unité, mais celle-ci était à bien des égards illusoire. Cela est particulièrement évident aujourd'hui, alors que le magazine lui-même et la politique religieuse font l'objet de vives controverses.

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L'attaque terroriste contre un hebdomadaire se moquant de la religion est entrée dans l'histoire de la France, mais aussi la mobilisation nationale qui a suivi. L'attentat a été largement condamné, non seulement en raison des pertes humaines, mais aussi en raison de la tentative de porter atteinte au principe de la liberté d'expression, si important notamment pour la presse satirique. Des manifestations de plusieurs millions de livres ont déferlé sur le pays sous la bannière de la défense des valeurs républicaines, mais la décennie qui a suivi allait démontrer le caractère éphémère de ce consensus. Le "Charlie Hebdo" lui-même n'a pas non plus échappé aux critiques, venant de différents côtés de l'échiquier politique.

Peu après l'attentat, alors que la campagne de solidarité sous le slogan "Je suis Charlie" battait son plein, Jean-Marie Le Pen a déclaré sans hésiter qu'il ne se reconnaissait pas du tout dans le magazine gauchiste et antireligieux, ayant peut-être à l'esprit les pétitions pour l'interdiction du Front national qu'il avait lancées. De leur côté, les hooligans d'extrême droite ont, en réponse aux attentats islamistes, procédé à des agressions islamophobes contre les musulmans et les mosquées, annonçant une aggravation des divisions au sein de la société diversifiée de la France.

Les frontières de l'unité nationale

Les tensions religieuses et l'extrémisme islamiste à l'origine de l'attaque contre la rédaction ont également laissé des traces dans les tentatives de commémoration des victimes à travers le pays. Dans certaines écoles, des élèves musulmans ont refusé de participer aux minutes de silence dédiées aux auteurs des dessins iconoclastes, et des sondages d'opinion réalisés plusieurs années après l'attentat ont montré l'ampleur du problème - un Français sur dix et un Français musulman sur cinq n'ont pas condamné l'attentat contre "Charlie Hebdo". Plus le répondant est jeune, plus cette réponse est probable. Il s'agit clairement d'une minorité distincte, mais la tendance est inquiétante et remet en question l'efficacité des efforts d'intégration des minorités.

Il serait toutefois erroné de réduire le problème à une question de radicalisation des jeunes musulmans. Selon l'enquête susmentionnée, leurs pairs chrétiens ou athées sont également plus enclins que les générations plus âgées à critiquer "Charlie Hebdo", accusant le dessin antireligieux de dépasser les limites de la décence. Par exemple, 60 % des personnes interrogées se déclarent favorables à la publication de caricatures de Mahomet. Ainsi, 60 % des Français se déclarent favorables à la publication des caricatures de Mahomet, mais seul un sondé sur trois âgé de moins de 25 ans est de cet avis. Les Français les plus jeunes, en revanche, se montrent plus compréhensifs à l'égard des plaisanteries indignées sur le prophète.

En effet, se dissocier de Charlie Hebdo n'est pas seulement l'apanage du Front national et des islamistes, mais aussi une attitude présente dans certaines parties de la gauche, c'est-à-dire dans des cercles théoriquement plus proches du magazine satirique, qui a vu le jour il y a plusieurs décennies en opposition aux gouvernements de droite et qui a souvent pris les nationalistes pour cible. Une fois de plus, une différence générationnelle peut être observée - alors que pour les personnes plus âgées, le droit de ridiculiser la religion est plutôt évident, indépendamment de l'affiliation politique, les plus jeunes sont plus susceptibles de voir de l'islamophobie, du racisme ou simplement du "boomerisme" dans les caricatures de Charlie Hebdo. Surtout à gauche, de plus en plus sensible à la moquerie des minorités.

L'américanisation de la politique française?

Si les querelles autour des identités religieuses ne sont pas nouvelles sur la Seine, elles ont pris de l'ampleur ces dernières années et enflamment plus souvent l'opinion publique, comme l'illustre bien la polémique "Charlie Hebdo". La pomme de discorde est directement constituée par les caricatures iconoclastes, mais dans le débat qui les entoure s'affrontent différentes interprétations de la laïcité. Si, en tant que slogan, elle est devenue sacro-sainte en France (certains, en y ajoutant la laïcité, complètent la triade révolutionnaire "liberté, égalité, fraternité"), sa mise en œuvre pratique est comprise différemment.

J'ai déjà déjà écrit sur la façon dont "Charlie Hebdo", les questions de religion et de républicanisme ont divisé la gauche. Classiquement, cette dernière notion implique un engagement en faveur d'une République "une et indivisible", traitant tous les citoyens sur un pied d'égalité et donc aveugle aux identités ethniques ou religieuses, par exemple. Ainsi, l'État français ne collecte aucune donnée sur la religion de ses citoyens, pas plus qu'il ne reconnaît l'existence de races. Ce qui gagne en popularité, cependant, c'est l'opinion selon laquelle une telle politique perpétue la domination des groupes privilégiés, efface les minorités et ignore l'existence dans la société de groupes qui méritent la reconnaissance de leur spécificité au sein de la communauté nationale et le respect de leurs coutumes (comme le port du hijab).

En France, cette approche est parfois qualifiée (généralement par ses détracteurs) de communautarisme, considérée comme une attitude contraire aux valeurs républicaines universalistes et accusée de favoriser le "séparatisme" islamiste, car elle est censée conduire à la construction de contre-sociétés le long des clivages raciaux, ethniques ou religieux. Pour de nombreux commentateurs de la Seine, il s'agit d'une importation d'idées et de manières de faire de la politique en provenance des États-Unis, qui menace le républicanisme français traditionnel.

Dans ce contexte, la droite conservatrice ou nationaliste - ce qui est plutôt ironique étant donné à quel point elle copie la rhétorique et la stratégie de ses homologues américains - prétend souvent être l'opposante à l'américanisation en s'élevant contre le mouvement "woke" ou "islamoleft". Cela fonctionne assez bien comme outil politique, mais n'est pas très utile pour essayer de dompter l'idéologie derrière l'attaque contre "Charlie Hebdo".

Comment (ne pas) lutter contre l'islamisme

Avec les attentats de 2015, le terrorisme est devenu l'ennemi numéro un de la France et l'État a redoublé d'efforts pour contenir l'extrémisme religieux. Cela a eu une dimension interne, mais aussi une dimension externe. La France mène traditionnellement une politique militaire active en Afrique, la lutte contre les djihadistes étant l'un de ses objectifs - avant même les attentats de Paris, l'intervention au Mali avait commencé, et les opérations militaires en Afrique se sont poursuivies au cours des années suivantes. L'attentat contre "Charlie Hebdo" peut donc difficilement être considéré comme un tournant dans la guerre française contre le terrorisme. Il n'a certainement pas eu la même importance que le 11 septembre pour les États-Unis, si tant est que l'on puisse parler d'un changement de la politique militaire française sous son influence. L'engagement militaire s'est plutôt éteint au cours de la décennie actuelle, non pas par manque de volonté, mais en raison d'une efficacité discutable et du ressentiment croissant des gouvernements africains à l'égard de l'ancien colonisateur.

Des réserves similaires peuvent être émises quant au succès de la lutte contre le "séparatisme islamique", mise en avant par le président Macron dans le contexte de la mort de Samuel Paty - un enseignant assassiné après avoir montré à ses élèves des caricatures de "Charlie Hebdo". Bien sûr, il est difficile de parler des effets à long terme, mais le bilan du président libéral est déjà discutable. Le camp au pouvoir est accusé de parler beaucoup de laïcité, mais de ne l'utiliser que comme une arme contre les musulmans, tout en enfreignant les règles de laïcité lorsqu'il traite avec l'Église catholique ou les organisations juives. Cela ne contribue pas à convaincre les premiers de faire confiance à la République qui, avec son virage à droite, traite de plus en plus les descendants d'immigrés comme un problème et un objet plutôt que comme des concitoyens participant à la vie publique.

C'est peut-être en partie pour cette raison que trois jeunes musulmans sur quatre placent les valeurs religieuses au-dessus des valeurs républicaines, soit trois fois plus que leurs parents. On parle moins du fait que cette attitude gagne aussi du terrain chez les jeunes chrétiens, ce qui suggère non seulement une défaite dans le choc avec l'islamisme, mais en même temps un affaiblissement général du républicanisme universaliste au sein d'une génération de Français qui entre dans l'âge adulte.

Dans ces circonstances, une commémoration des victimes de l'attentat contre "Charlie Hebdo" est organisée, et l'hebdomadaire lui-même a publié un numéro spécial à plus grande diffusion. Les terroristes n'ont pas réussi à faire taire le magazine satirique, mais dix ans après l'attentat et la démonstration d'unité nationale qui s'en est suivie, cette dernière semble un rêve lointain, tandis que les conflits (en partie) sectaires continuent d'affliger la République. Cette situation ne changera pas dans un avenir proche.

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Artur Troost
Artur Troost
Doktorant UW, publicysta Krytyki Politycznej
Doktorant na Uniwersytecie Warszawskim, publicysta Krytyki Politycznej.
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