Il y a un demi-siècle, Jean-Marie Le Pen créait un groupuscule de la droite radicale avec des SS et des terroristes pro-coloniaux - c'est aujourd'hui le parti le plus populaire de France. L'homme est mort, mais son héritage perdure tristement.
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Selon le vieil adage, il est bon ou mauvais de parler des morts. Si l'on s'y tenait, la nécrologie de Jean-Marie Le Pen devrait être vide, au moins dans la partie consacrée à son activité publique. Car la carrière politique du fondateur du Front national s'est construite sur la haine, la négation ou la minimisation de l'Holocauste, la désignation de musulmans comme boucs émissaires et d'incessantes batailles judiciaires, où Le Pen a généralement joué le rôle de défendeur.
Ironiquement, le patriarche de l'extrême droite française est décédé juste à temps pour le dixième anniversaire de l'attentat contre "Charlie Hebdo", avec lequel il avait toujours été en désaccord. Le magazine satirique s'est un temps battu pour l'interdiction du Front national, avec de très bonnes raisons, surtout si l'on regarde les racines du principal parti nationaliste français et de ses cofondateurs.
Les collègues nazis de Le Pen
Lors de la création du Front national en 1972, Jean-Marie Le Pen, qui avait déjà une brève expérience parlementaire, ayant accédé à l'Assemblée nationale sur les listes du mouvement populiste de Pierre Poujade, a été élu à sa tête. Il s'agit d'un choix essentiellement tactique, Le Pen étant l'un des plus modérés parmi les fondateurs du nouveau parti. Qui étaient les autres ?
Il s'agit, par exemple, des membres de l'Organisation terroriste de l'armée secrète (OAS), qui s'opposait au démantèlement de l'empire colonial français et était responsable de la tentative d'assassinat manquée contre le président De Gaulle. À cela s'ajoutent les collaborateurs de la Seconde Guerre mondiale impliqués dans la construction de la France de Vichy, qui appartenaient à des milices fascistes et étaient responsables de la répression brutale de la résistance. Comme si cela ne suffisait pas, les cofondateurs du Front national étaient des SS de la Waffen SS française, tels que Léon Gaultier et Pierre Bousquet.
Ce dernier, trésorier du nouveau parti, avait été exclu quelques années plus tôt du Mouvement européen de la liberté, raciste et nationaliste, pour nazisme et organisation de séminaires sur la lecture du Mein Kampf d'Adolf Hitler. Juste après la guerre, Bousquet devait à son tour être guillotiné pour collaboration, mais la peine de mort a finalement été commuée en plusieurs années d'emprisonnement. De nombreux autres dirigeants du FN ont également été condamnés à mort, à des peines de prison ou à la dégradation nationale (une sanction spéciale qui prive les collaborateurs de certains de leurs droits civiques), mais Le Pen ne voyait pas d'inconvénient à devenir le visage d'une organisation dotée de tels cadres.
Jean-Marie lui-même n'était pas loin d'eux dans ses opinions. Il blanchit également la France collaborationniste de Vichy, qualifie le maréchal Pétain de héros plus grand que De Gaulle et considère l'abandon de l'Algérie comme un acte de déshonneur pour ce dernier. D'ailleurs, une douzaine d'années avant de fonder le Front national, M. Le Pen s'était porté volontaire pour se battre afin de maintenir la domination française sur l'État nord-africain, une autre page infamante de sa biographie.
De la torture des Algériens au second tour de l'élection présidentielle
En Algérie française, Jean-Marie Le Pen a servi comme officier de renseignement et a été fondé par la brutalité avec laquelle il traitait les collaborateurs présumés du FLN de libération nationale, et parfois des passants. De nombreux témoignages - de victimes et de compagnons d'armes - font état de la torture d'Algériens, de la torture par électrochocs et de l'exécution de certains d'entre eux. Dans la maison d'une des victimes des interrogatoires (torturée et tuée devant ses enfants), un lieutenant français a perdu son couteau, ressemblant étrangement au modèle produit à l'origine pour la Hitlerjugend, gravé "J.M. Le Pen 1er REP".
L'intéressé lui-même a admis avoir pratiqué la torture en Algérie quelques années après la guerre, mais il l'a expliquée par la nécessité d'obtenir des informations clés de la part de "terroristes" et a nié la plupart des accusations. Il a parfois poursuivi les médias et les historiens qui lui reprochaient d'avoir torturé des civils, mais il s'est plus souvent présenté devant les tribunaux en tant que défendeur. En effet, la carrière politique de M. Le Pen a été marquée par la controverse, les polémiques féroces et les discours de haine.
Pour son apologie des crimes de guerre, sa discrimination à l'égard des personnes LGBT, ses attaques contre les minorités religieuses et ses insultes à l'égard de ses adversaires politiques, le fondateur du Front national a fait l'objet de plus de 25 condamnations au total. Plusieurs d'entre elles concernaient les déclarations de Le Pen selon lesquelles les chambres à gaz n'étaient qu'un "détail de l'histoire" - ainsi, après sa mort, on a souvent ironisé sur le fait que Jean-Marie était devenu ce détail. D'autres procès concernaient sa vision raciste de la France, dans laquelle il ne voyait pas de place pour les citoyens de mauvaise origine ou de mauvaise religion. Le leader du FN divise la société entre Français réels et Français "de papier", ce qui accroît les tensions sociales.
Malgré d'incessantes batailles judiciaires, le Front national se renforce et Jean-Marie Le Pen en devient le leader incontesté. Fondant ses campagnes sur l'opposition à l'immigration, l'euroscepticisme, l'anticommunisme radical et l'ultraconservatisme, l'extrême droite s'impose sur la scène politique française dans les années 1980, remportant entre dix et douze pour cent des suffrages à chaque élection successive. En 2002, grâce à la fragmentation de la gauche, elle s'est avérée suffisante pour se présenter au second tour de l'élection présidentielle, ce qui a profondément choqué la France de l'époque, mobilisant les citoyens à voter en masse pour Chirac, contre Le Pen.
Jean-Marie Le Pen n'a pas réussi à briser le plafond de verre, restant une figure trop controversée et trop radicale, tandis que sa fille a réussi à démoniser le Front national, remportant jusqu'à un tiers des voix lors des dernières élections et rendant le gouvernement de centre-droit dépendant du soutien des nationalistes. L'aîné des Le Pen en a payé le prix en étant exclu du parti, mais même ainsi, il a lui-même vécu pour voir une réhabilitation de grande envergure, comme l'ont montré les réactions qui ont suivi la mort du doyen de l'extrême droite.
Décès fêté dans la rue, chagrin dans les milieux gouvernementaux
Naturellement, la disparition de Jean-Marie a été accueillie avec tristesse par son entourage politique, qui pleure la mort d'un "homme d'Etat" et d'un "patriote". La gauche, en revanche, n'a pas ménagé ses critiques à l'égard du défunt, lui reprochant toutes ses transgressions et déclarant sobrement que l'homme était mort, mais pas ses idées politiques, qu'il fallait continuer à combattre. Des opinions moins équilibrées ont été exprimées par de nombreux Français qui ont célébré spontanément la mort de Le Pen dans les rues de toutes les grandes villes françaises, où des feux d'artifice ont été tirés et des bouteilles de champagne ont été ouvertes, comme s'il s'agissait du jour de l'an.
Ces manifestations ont été sévèrement condamnées par les responsables politiques du gouvernement, au premier rang desquels le chef conservateur du ministère de l'intérieur, Bruno Retailleau. L'attitude du centre-droit est très symptomatique de la normalisation de la droite radicale dans le courant dominant en France. Le nouveau chef du gouvernement François Bayrou a fait un commentaire très conciliant sur la mort du fondateur du Front national, qualifiant Le Pen de figure importante de la vie politique française et de combattant, mais laissant sous silence son racisme, son passé infâme ou les dizaines de condamnations judiciaires qui pèsent sur lui. Quoi qu'il en soit, la plupart des macronistes ont carrément choisi le silence, ne voulant probablement pas exprimer leur véritable opinion sur les fondateurs du parti avec lequel ils se trouvent dans une coalition informelle.
La France a changé depuis 2002, lorsque le président Chirac refusait de débattre avec le leader de l'extrême droite et que l'opposition à Le Pen rassemblait plus de 80 % des électeurs. C'était aussi l'époque où le centre politique figurait encore parmi les principaux opposants aux nationalistes, se souvenant de la nocivité de leurs idées et des racines du Front national. Il fut un temps où Le Pen et ses collègues étaient venus perturber une réunion de Simone Veil, visage de la lutte pour les droits des femmes et également survivante juive de l'Holocauste, qui leur avait lancé "Je n'ai pas peur de vous, j'ai survécu à une rencontre avec pire que vous, vous n'êtes que des SS en culottes courtes".
Aujourd'hui, leurs héritiers sont à deux pas du pouvoir et s'emploient à réécrire un passé qui les met mal à l'aise. C'est pourquoi il n'est pas inutile de rappeler les véritables opinions de Jean-Marie Le Pen ou l'identité des autres fondateurs du Front national, car si les nationalistes ont beaucoup fait pour améliorer leur image, la pomme ne tombe pas loin du pommier.